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littérature française - Page 2

  • CR275 : Vernon Subutex - Virginie Despentes

    compte rendu de lecture,virginie despentes,littérature,littérature française,livre,kindle,roman,culture,rockPendant que je traînais ma misère dans ces tristes bourgs de la Bretagne intérieure disposant de cabines en piteux état, je lisais aussi surtout le soir et souvent la nuit le dernier opus de Virginie Despentes intitulé Vernon Subutex. Du même auteur, j’avais déjà lu apocalyspe bébé en 2010, et il m’avait beaucoup plu me rappelle mon médiocre compte rendu que je viens de relire. D’ailleurs en le relisant, je me suis fait la réflexion qu'avec Vernon Subutex, Virginie utilise toujours la même technique : un personnage central, en l'occurrence ici Vernon autour de qui gravitent des personnages secondaires qui rentrent et qui sortent du roman, et qui reviennent parfois ou pas. Cette multitude de protagonistes représente la principale difficulté pour le lecteur, surtout pour moi qui ai la mémoire défaillante (et le rythme de lecture aléatoire). La prochaine fois, je prendrai des notes dans le carnet de moleskine qui ma sœur m’a offert.

    Le roman raconte l’histoire d’un disquaire parisien d’une cinquantaine d’années qui se fait appeler Vernon Subutex (j'ai oublié son vrai nom) et qui, dans les années 90, doit déposer le bilan comme tout disquaire qui se respecte (et comme tout quincaillier). Dans un premier temps, il vit de la vente de son fond de commerce (affiches, vinyles collectors) mais très vite il se retrouve sans rien. Il se met alors à squatter chez différents amis chez qui il lui arrive différentes péripéties. Par l'intermédiaire d'un de ses amis, il croise lors d'une soirée le chemin d'un scénariste qui songe à réaliser un documentaire sur Alex Beach, un chanteur à succès, ami de Vernon, qui vient de mourir d’une overdose dans sa baignoire. Or il se trouve que Vernon dispose d’un enregistrement d’une interview que le chanteur lui a accordée. Beaucoup de gens sont intéressés par cette cassette et une certaine femme qui se fait appeler la Hyène (une sorte de Lisbeth Salender ) et spécialisée dans les recherches de ce genre entre en jeu, engagée par le scénariste afin de retrouver celui qui détient l'enregistrement.

    Mais après avoir exégérément profité de la bonté de ses amis (tous anciens clients du disquaire et amateurs d’une musique aujourd'hui défunte qu’on appelait le rock - qui tient d’ailleurs une place prépondérante dans le roman -), Vernon qui a sa fierté se retrouve SDF et vit cette situation avec une certaine philosophie. Il fait des rencontres dans le milieu, des anciens amis essaient de le sortir de ce pétrin mais Vernon refuse. Ce premier tome se termine de la sorte. Il ne peut pas tomber plus bas.

    Tout comme dans apocalypse bébé, j’ai apprécié le style trash et brut de décoffrage de l’auteur qui ne s'embarrasse pas des tabous et du politiquement correct. Dans ce roman décoiffant, se côtoient, des lesbiennes, des transsexuels, des drogués, des fachos car c'est un fait que Despentes a un penchant pour les anticonformistes, genre de ceux qu’on ne risque pas de trouver au bar Le Celtic de La Chapelle-Neuve. C’est donc une vision lucide mais partielle de notre société que nous propose l’auteur. C’est son fil rouge et j’aime les auteurs qui gardent une certaine cohérence (comme Philip Roth ou Philippe Djian) dans leur oeuvre.

    Du coup, je vais être gentil et lui mettre une note supérieure à celle que j’ai mis sur Babelio: 3.5/5. Pas plus car je ne peux pas occulter le fait que j’ai été dans le dur au milieu du roman au point que je me suis demandé si je devais continuer..mais si vous avez le même soucis que moi, un conseil : ne le lâchez-pas.

    Le tome 2 est prévu pour mai 2015.

    Loïc LT

    éditeur : grasset, parution : janvier 2015, lecture : kindle, 400 pages (pour les 2 tomes ? ). lecture : février et mars 2015

  • CR274 : soumission - Michel Houellebecq

    soumission.jpgAu début, je n’avais pas prévu le lire et puis je me suis laissé tenter. C’est primordial d’humer l’air du temps et Michel Houellebecq bénéficie d’une certaine aura en France et dans le monde entier et puis il dispose de supporters à gauche et à droite. Oui, parce qu’avec Houellebecq, nous nous situons plus dans le champ de la politique et de la sociologie que dans la littérature. Et ce dernier roman le confirme. Littérairement parlant, c’est pauvre, presque journalistique et très wikipedia aussi (je rappelle quand même que dans son précédent roman, il n’a eu aucun scrupule à faire des copier-coller depuis l’encyclopédie en ligne). Mais je crois qu’il assume tout ça alors ne perdons pas notre temps et venons-en au fond.

    Je rappelle vite fait que dans soumission, l’auteur imagine qu’en 2022 les Français élisent à la présidence de la république un musulman modéré, Mohammed Ben Abbes qui obtient le soutien de l’ump et du ps et ce pour faire barrage au Front National. François, le narrateur est un universitaire de renom et vit cette révolution avec un certain détachement (comme souvent chez MH, le narrateur est un type blasé et obsédé par le sexe). La France aussi se soumet à ce nouveau régime et malin qu’il est, le président de la république nomme comme premier ministre un homme de paille, à savoir François Bayrou afin de montrer qu'il n'y a rien à craindre du nouveau régime. Comme de fait, Bayrou passe pour un comique arriviste (ce qu’il est dans la réalité) à la solde de Ben Abbes . Si la liberté d’expression semble maintenue, des bouleversements s’opèrent , l’éducation nationale n’est plus laïque et se scinde entre des écoles musulmanes ou chrétiennes (l’université où travaille le narrateur devient musulmane) et puis les femmes n’ont plus le droit de travailler (pas même dans les quincailleries), du coup le chômage disparaît et les femmes ne portent plus que des pantalons et des tuniques qui empêchent qu’ont voit leurs fesses.

    Tout cela n’a rien de crédible évidemment (car si cela arrivait vraiment, un véritable soulèvement populaire renverserait le pouvoir en quelques jours) mais sous la plume de Michel, tout cela coule de source, tous ces événements semblent naturels et suivent une logique historique imparable. Mais on peut tout se permettre dans un roman et celui-ci  parmi ses quelques intérêts permet aussi de se faire une idée plus précise des fondamentaux de l’islam à travers les longues discussions que le narrateur entretient avec un érudit musulman (au point de parvenir à troubler l'indécrottable athée que je suis).

    C’est un roman de politique-fiction que tout le monde peut lire. Il est court, il est clair et c'est plus un amusement qu'autre chose.

    Un amusement car personnellement, je ne crains ni l’arrivée d’un président musulman en France (encore qu’on a déjà eu des présidents catholiques (De Gaulle, Chirac) mais dans soumission le problème n’est pas que le président soit musulman, le problème réside dans le fait qu’il veut faire de l’islam une religion d’état..aussi modéré soit-il). Je ne ne crains pas non plus une arrivée du FN au pouvoir, parce que le Front républicain qui est tant décrié fonctionne quand même très bien et que le scrutin majoritaire à 2 tours est une digue que l'extrême droite ne peut franchir.

     

    Pour résumer, n’ayez-pas peur !

     

    lecture : février 2015, parution : janvier 2015, Flammarion, kindle, 3.5/5

     

    Loïc LT

  • CR271 : Moderato cantabile - Marguerite Duras

    MODERATO_CANTABILE.jpgLongtemps j’ai confondu Marguerite Yourcenar et Marguerite Duras. C’est ainsi, il y a des pans entiers de la littérature qui me sont encore totalement inconnus. J’assume. Mais si tout se passe bien, j’ai encore à peu près 50 ans à vivre. Et comme j’en ai fini avec le 2048, je vais pouvoir rattraper le temps perdu. 

    Tout ce que je sais à propos de Duras, c’est que pour des raisons de sécurité, elle n’a jamais mis les pieds dans une quincaillerie (le jeu c’est de placer le mot quincaillerie dans toutes les notes...quant aux raisons de sécurité, c’est dans l’air du temps, toute décision doit se prendre ou pas pour des raisons de sécurité).

    Avant d’écrire cette note, j’ai lu la fiche de la dame sur wikipedia. Il est stipulé que ses premiers romans dont celui-ci sont à ranger dans la catégorie fourre-tout nouveau roman (le pendant littéraire de la nouvelle vague au cinéma). La vie de Marguerite fut tumultueuse et souvent baignée dans l’alcool.

    L’alcool tient d’ailleurs une bonne place dans ce court et délicieux roman qui se déroule dans une ville de bord de mer, une ville qui pourrait être Rochefort ou La Rochelle, une ville dans laquelle des usines emploient des milliers d’ouvriers. Le personnage principal, Anne Desbaresdes est la femme d’un patron d’une de ces usines. Mais jamais il n’est question du mari ni de la vie du couple. On sait juste qu’ils possèdent une grande maison qui donne sur l’océan et que leur enfant prend des cours de piano chez Mlle Giraud, leçons auxquelles participent Anne. Le récit débute par une de ces leçons (que l’enfant déteste). Un moment, un bruit retentit. Il provient d’un bar de la rue. On apprend très vite qu’un homme vient d’y tuer sa femme. Anne est intriguée par ce meurtre qui semble être passionnel et fait la connaissance d’un type dénommé Chauvin qui fut témoin du drame. Mais Chauvin ne sait pas grand chose. Pourtant, Anne et Chauvin se retrouvent souvent dans ce même bar, ils boivent beaucoup de vin et elle lui pose des questions sur le meurtre mais au fil des jours, elle n’est guère plus avancée. Un soir, elle entre ivre et en retard chez elle où du grand monde est réuni pour un dîner.  Chauvin, son compagnon de l’autre monde erre entre la villa et l’océan et assiste au spectacle de cette bourgeoisie ennuyante.

    La trame de ce roman est ténue mais on le termine perclus de questionnements. Qu’est ce que Anne Desbaresdes cherche auprès de Chauvin ?  Une relation adultère ? Anne est-elle une sorte d’Emma Bovary à la sauce nouveau roman ? Pourquoi est-elle si intriguée par ce meurtre  dont elle  ne connaît ni le meurtrier ni la victime ? Pourquoi boit-elle autant ?

    Moderato cantabile ne laisse pas indifférent. Sa petite musique n’est pas sans rappeler celle de Patrick Modiano. Je suis rarement déçu par un roman publié aux éditions de minuit. Ce dernier ne déroge pas à la règle.

    Je suis en train de lire Meursault contre-enquête et il serait tout aussi amusant de donner une suite au roman de Duras afin d’en savoir plus sur ce crime passionnel. Il y a comme ça des personnages secondaires oubliés dans les limbes de la littérature qui mériteraient une résurrection.  

    lecture : janvier 2015. kindle. roman paru en 1958, éditions de minuit

    Loïc LT

    - le roman a été adapté au cinéma d'où l'illustration (JP Belmondo et Jeanne Moreau)

     

  • CR268 : pour que tu ne te perdes pas dans le quartier - Patrick Modiano

    ACH003569413.1413345308.580x580.jpgCela fait deux mois que j'ai lu ce roman et je n'ai pas été pressé d'en faire le compte-rendu...pour trois raisons : je me lasse un peu des comptes-rendus dans lesquels je trouve qu'il est difficile de partir en live, il y a des règles et des contraintes quand on fait une critique et je préfère digresser sur n'importe quoi comme dans mes précédentes notes. Deuxièmement, le lieu commun comme quoi un auteur écrit toujours le même livre n'est jamais si vrai que lorsqu'il est question de Modiano...et ce dernier roman qui est très bon est égal aux autres, reprend les mêmes thématiques, les mêmes méthodes...avec ceci dit peut-être encore plus de talent parce que forcément, l'auteur, à force de,  améliore son art. Enfin, troisième raison, il y a ce prix Nobel qui m'a un peu coupé l'herbe (des nuits) sous les pieds. Je ne voulais pas avoir l'air comprenez-vous...pas avoir l'air de m'être jeté sur le dernier Modiano parce qu'il venait d'obtenir la consécration ultime. 

    Alors, deux mois après la lecture, je me souviens vaguement d'un enfant abandonné, ballotté à droite et à gauche, qui ne comprend pas tout, qui vit avec des adultes louches qui trempent dans des affaires pas nettes (casinos, courses hippiques..) et cet enfant qui s'appelle Jean Daragane,  des années plus tard, devenu adulte est enfermé dans son appart situé quelques part en périphérie de Paris. Il n'a pas d'amis et ne répond pas au téléphone, il n'a plus de contact avec la société, sauf qu'un jour le téléphone se met à sonner sans arrêt..Lassé, il finit par répondre et un certain Gilles Ottolini lui annonce qu'il a retrouvé son carnet d'adresses et qu'il désire lui rendre. Mais Jean ne veut pas que Gilles vienne chez lui. On convient d'un rendez-vous  dans un café au 42, rue de l'Arcade, du côté de la gare Saint-Lazare. Jean s'en fout de ce carnet d'adresses dans lequel figure des noms de gens avec qui il n'a plus aucun lien. Sauf que hasard des choses, en voulant faire son curieux, Gilles trouve dans ce carnet le nom d'un type, Guy Torstel, qui l'intéresse parce qu'il fait une enquête sur lui. 

    Le personnage de Jean Daragane est le profil type du personnage modianesque. Nous sommes en effet en présence d'un type qui ne vit plus vraiment dans le présent. Ancien écrivain, il ne fait plus rien et ne sort plus de son appartement, ne répond plus au téléphone. Que dalle. Et puis, il se passe un petit événement de rien, en l'occurrence ici la perte d'un carnet d'adresses qui l'oblige à rencontrer des gens et à remonter dans son passé trouble.

    Modiano ne pouvait pas faire plus Modiano. Je comprends tout à fait qu'on puisse s'ennuyer de cette littérature et j'ai du mal à imaginer qu'un lecteur américain puisse y trouver son compte ( parce qu'il va être plus traduit évidemment). Par contre, je ne connais pas les arguments d'Eric Chevillard (je ne retrouve pas l'article du Monde dans lequel il écrit ne pas aimer ce dernier roman). Mais  je me souviens de ce qu'il avait écrit sur son blog :

    Je lis L’Herbe des nuits, le nouveau roman de Modiano, comme à chaque fois porté aux nues par la critique. Et certes l’auteur est attachant, certes il a un univers : Paris le soir il y a longtemps. Mais tout de même, c’est bien fluet, non ? Pauvre en sucre, pauvre en graisse. On ne va pas s’en crever la panse, sûr. Et si cette poignante nostalgie qui nous vient en le lisant était d’abord celle de la littérature ?

    lecture : octobre 2014, kindle, 4.5/5

    Loïc LT

  • la journée Modiano

    10353692_10152719818535762_7171514012693417020_n.jpg

    Patrick Modiano vient donc d'obtenir le prix Nobel....à la surprise générale (mais chez Nobel, ce sont rarement les favoris qui l'emportent) et à la mienne parce que je ne m'y attendais, mais alors, pas du tout  ! Il se trouve que hier, alors que j'étais en train de lire son dernier roman, je décide comme ça de changer mon bandeau facebook en optant pour un gros plan du visage de l'écrivain. Je trouve en effet qu'il se dégage de son regard une sérénité  et cette impression qu'il saisit tout du monde et en même temps qu'il est à côté de la plaque. Donc, je mets son portrait sur ma page facebook, ce qui est purement anecdotique, convenons-en (en soi-même et surtout au regard de ce que Modiano doit penser de ce machin...déjà qu'il a mis un temps fou à faire apparaître les téléphones portables dans ses romans, qui, ont d'ailleurs du coup peut-être perdu un certain charme depuis), et un de mes contacts me lance 'tu as choisi ton prix Nobel toi !' et m'apprend ensuite qu'il fait partie des outsiders pour ce prix international aussi louche que prestigieux. Et ma surprise vient de là surtout : j'étais persuadé que c'était un auteur pas ou peu traduit et qui de toute façon ne pouvait être apprécié que par des français, et encore que par quelques-uns, c'est à dire des gens un peu paumés, spectateurs de leur existence et qui entendent des bruits bizarres, des sortes de bruits de fond qui semblent venir du fond de l'enfance, comme ces dimanches après-midi d'août lorsque le silence caniculaire est soudainement interrompu par l'aboiement d'un chien ou par une tronçonneuse.

    J'ai appris la nouvelle à 13 heures pile sur France Culture. J'ai été déçu...je ne voulais pas qu'il l'obtienne car même s'il est vrai que des centaines de milliers de gens ont lu Modiano, je ne pense pas qu'on soit nombreux aujourd'hui à le considérer comme un compagnon quotidien, comme une sorte de maître à penser, à penser son passé, son enfance, comme quelqu'un qui nous donne des pistes pour remonter le temps..et donc tout ça pour dire, qu'en obtenant ce prix, c'est un peu comme si la petite communauté de modianophiles (même si le terme communauté ne semble  pas très approprié car les fans de l'auteur ne se connaissent pas pour la plupart puisque justement l'un de leurs dénominateurs communs est d'être des loups solitaires)  allait passer subitement au rang de multinationale. 

    Je tiens ce blog depuis 2007 et j'ai commenté 10 romans de Patrick Modiano, ce n'est pas beaucoup mais c'est quand même l'auteur le plus représenté (devant Philippe Djian qui, pour le coup est son total contraire). Mes comptes rendus valent ce qu'ils valent, je sais mes défauts (liés à mon manque de formation littéraire),  je sais pourquoi je fais tout ça, c'est avant tout pour moi, un devoir, une exigence, une volonté de ne pas m'éloigner de la littérature. Et si je suis encore debout, littérairement parlant, je le dois beaucoup à l'auteur de...un cirque passe !

    Loïc LT

     

    . CR008 / rue des boutiques obscures

    . CR017 / accident nocturne

    . CR045 / dans le café de la jeunesse perdue

    . CR114 / Dora Bruder

    . CR160 / l'horizon

    . CR209 / vestiaire de l'enfance

    . CR218 / un cirque passe

    . CR237 / l'herbe des nuits

    . CR246 / villa triste

    . CR263 / voyage de noces

  • CR258 : en finir avec Eddy Bellegueule - Edouard Louis

    61iqPu8uT-L._SL1464_.jpgCeci est une histoire vraie. Le type s’appelle Eddy Bellegueule, ça commence déjà mal pour lui. Il voit le jour dans le nord de la France (je ne dis pas  'décidément') et habite dans une maison en briques rouges. Son père est un ouvrier alcoolique qui mate des films pornos même pas en cachette et sa mère est une femme au foyer qui s’occupe de ses nombreux enfants. Tout le monde se connaît dans le village et l’on n’ aime pas trop la différence. Le soir dans les maisons, TF1 règne, les hommes boivent et battent souvent leur femme pendant que les ados font de la mobylette et se retrouvent dans des hangars ou des abris bus pour boire de la bière. Tout le monde peste contre les arabes et les noirs (absents du village pourtant). Eddy grandit dans cet univers populaire et crasse. Très vite il se sent différent. Au grand désespoir de ses parents, il préfère faire du théâtre que de jouer au foot. Ses manières efféminées font jaser, on se moque de lui. Tête de turc au collège, Eddy se refuse à admettre son homosexualité alors il se force avec les filles mais ça ne marche pas. Son corps qu’il haït et tente d’amadouer ne désire décidément pas le sexe opposé. L’enfance et l’adolescence d’Eddy sont un vrai chemin de croix, une lutte contre lui-même et contre les préjugés.

    Voici un livre qui n’arrange rien aux clichés qu’on a sur la partie la plus septentrionale de notre pays. Mais c’est une charge aussi contre la bêtise, l’ignorance et l’intolérance qui existent dans une certaine classe sociale. Mais Eddy Bellegueule (qui a changé de patronyme entre temps) ne juge pas ni ne fait  dans l’analyse sociologique ou structuraliste. C’est un constat lucide et froid qui peut agacer car on se dit qu’il en fait trop et que désormais étudiant à l’Ecole Normale, il porte peut-être un regard condescendant et parisianiste sur ce que fut son enfance. Ceci dit, je ne doute nullement de sa sincérité. Servi par une écriture simple retranscrivant souvent la façon de parler et de patoyer du nord, en finir avec Eddy Bellegueule est un témoignage très fort, sans doute une nécessité pour son auteur. 

    Je n’ose imaginer la réaction de sa famille et de ses anciens voisins à la lecture de cette lourde charge. D’autres ont déjà donné (Pierre Jourde avec pays perdu). On comprendrait l’énervement. 

    lecture : février 2014, kindle, 4/5

  • CR256 : les croix de bois - Roland Dorgelès

    les croix de bois.jpgCe n'est pas utile de faire des manières pour dire des choses simples : les croix de bois évoquent, à travers les souvenirs du narrateur, Jacques (le double de l'auteur), le quotidien dans les tranchées lors de la guerre 14-18. Le récit se compose de 17 chapitres indépendants qui sont chacun comme des tableaux représentant divers moments de la vie des soldats : l'arrière-front, le combat proprement dit, les relèves, l'attente dans les bourgs parmi les villageois. On fait la connaissance de Sulphart, de Gilbert, de Bouffioux (le ch'ti) et autres soldats aux caractères divers évidemment. Jacques, le narrateur, on se demande s'il n'est pas transparent tant il est peu mis à contribution, on ne lui adresse quasiment pas la parole, on dirait qu'il n'est là que pour écrire le livre.

    J'ai été bouleversé par ce livre (que j'ai lu non par envie mais parce qu'il m'intéressait de connaître quel roman faillit battre Proust lors du Goncourt 1919 ), par l'humanité et la fraternité unissant ces soldats quotidiennement confrontés au combat et à la possibilité de la mort, si ce n'est sa quasi-certitude, des types venant d'univers différents et qui se retrouvent soudainement soudés face à l'adversité. C'est peut-être banal que de dire tout cela, c'est rabâché sans fin depuis 100 ans mais personnellement, je n'arrive pas à me figurer que né un siècle plus tôt, j'aurais pu être à leur place. Comment aurais-je vécu de pareils moments ? L'homme arrive-t-il donc à s'habituer au pire ? C'est un peu ce qui ressort de ce roman  dont on se souvient des moments de fraternité, de franches rigolades, des taquineries, des dialogues.

    Vous verrez...Des années passeront. Puis nous nous retrouverons un jour, nous parlerons des copains, des tranchées, des attaques, de nos misères et de nos rigolades, et nous dirons en riant 'c'était le bon temps'

    Et puis, au cœur même du combat, on arrive à rire...ainsi dans cette scène où le soldat Lemoine n'a qu'une idée en tête : entasser des soldats morts devant lui et ses copains pour se protéger :

    A quelque pas de l'entonnoir, un officier était couché sur le côté, sa capote ouverte, et, dans ses doigts osseux, il tenait son paquet de pansement, qu'il n'avait pas pu dérouler.

    - on devrait essayer de le traîner jusqu'ici, dit Lemoine, ça ferait un de plus pour le parapet. Et avec le Boche qui est là, plus loin...

    - T'es pas louf ? grogne Hamel . Tu veux nous faire repérer en les empilant tous devant.

    - Ceux des autres trous s'en sont bien fait, des parapets.

    En effet, de loin en loin, tout le long de la crête, des hommes se dissimulaient, qu'on pouvait prendre pour des grappes de morts. Allongés derrière la moindre butte, blottis dans les plus petits trous, ils travaillaient presque sans bouger, grattant la terre, avec leur pelle-bêche, et, patiemment, ils élevaient devant eux de petits monticules, des taupinières qu'un souffle eut emportées.

    Et dans ce quotidien où la mort est omniprésente, vivre devient un luxe :

    Un petit, dans un coin, racle sa langue blanche avec un couteau. Un autre ne vit plus que par l'imperceptible halètement de sa poitrine, les yeux fermés, les dents serrés, toute sa forme ramassée pour se défendre contre la mort, sauver son peu de vie qui tremblote et va fuir.

    Il espère, pourtant, ils espèrent tous, même le moribond. Tous veulent vivre, et le petit répète obstinément :

    - Ce soir, les brancardiers vont sûrement venir, ils nous l'ont promis hier...

    La vie, mais cela se défend jusqu'au dernier frisson, jusqu'au dernier râle. Mais s'ils n'espéraient pas les brancardiers, si le lit d'hôpital ne luisait pas comme un bonheur dans leur rêve de fièvre, ils sortiraient de leur tombe, malgré leurs membres cassés ou leur ventre béant, ils se traîneraient dans les pierres avec leurs griffes, avec leurs dents. Il en faut de la force pour tuer un homme ; il en faut de la souffrance pour abattre un homme...

    Cela arrive, pourtant. L'espoir s'envole, la résignation, toute noire, s'abat lourdement sur l'âme. Alors, l'homme résigné ramène sur lui sa couverture, ne dit plus rien, et , comme celui-là qui meurt dans un coin de tombeau, il tourne seulement sa tête fiévreuse, et lèche la pierre qui pleure. 

    lecture: janvier 2014, kindle, note : 4.5/5

  • tergiversations...

    L'année 2013 s'est achevée dans le vent, la douceur et la pluie et me concernant par une belle indigestion aux huîtres. 2014 a déjà 5 jours, le vent souffle toujours, la pluie tombe sans fin et la douceur océanique nous caresse toujours la peau lorsqu'on se risque à mettre le nez dehors. Le sapin de noël commence à tirer la tronche. Il était prévu que nous l'enlevions aujourd'hui mais nous avons préféré regarder un film. Demain matin, nous allons tous les quatre nous lever tôt et partir chacun vers les quatre points cardinaux, l'une vers un collège au nord, l'une vers une école primaire à l'ouest, l'une vers un bureau au sud et votre serviteur vers un atelier à l'est (dans la réalité, ce n'est pas si net mais la réalité n'est jamais comme on voudrait). Nous sortirons, le vent soufflera, la pluie tombera et la douceur océanique nous caressera le visage.

    J'ai souvent parlé d'Henri Thomas sur ce blog. Tout le monde a bien compris que je préfère sa poésie à sa prose. En 2014 (au fait : belle année à tous), j'ai envie de découvrir et de faire découvrir Eugène Guillevic. Guillevic comme son nom l'indique était breton de naissance (alors que Henri Thomas le fut d' adoption) mais ce n'est pas qu'il fut breton qui m'importe.

     

    guillevic.jpg

    En tout cas, je vais me faire un plaisir comme pour Henri Thomas (à propos, ces deux-là se sont-ils connus ?) de me porter acquéreur de quelques ouvrages. Ensuite, je me ferai une joie de le lire, de m'en imprégner et je prendrai la liberté de l'aimer ou pas. Ensuite, en parler ici ou autour de moi. Dans mon entourage, on adore que je parle de poésie -)

    Je commence cette année Guillevic par un sonnet (mais par ailleurs, il faisait plutôt dans le vers libre) où il évoque ce qui fut sans doute l'école de son enfance. Saint-Jean-Brévelay est un bourg moche situé à 20 minutes de chez moi.

    L'école publique

    À Saint-Jean-Brévelay notre école publique
    Était petite et très, très pauvre : des carreaux
    Manquaient et pour finir c'est qu'il en manquait trop
    Pour qu'on mette partout du carton par applique,

    Car il faut voir bien clair lorsque le maître explique.
    Alors le vent soufflait par tous ces soupiraux
    Et nous avons eu froid souvent sous nos sarraus.
    Par surcroît le plancher était épisodique,

    Et l'on sait qu'avec l'eau du toit la terre fait
    Des espèces de lacs boueux d'un bel effet.
    Pourtant j'ai bien appris dans cette pauvre école :
     

    Orthographe, calcul, histoire des Français,
    Le Quatorze juillet, Valmy, la Carmagnole,
    Le progrès, ses reculs, et, toujours, son succès.

    Dans cette pauvre école, je me doute qu'on apprenait ! Et on ne perdait pas son temps avec des activités périscolaires...J'aime bien le 'plancher épisodique'. Ce poème fait partie du recueil '31 sonnets' paru en 1954 et que le poète n'a jamais voulu faire rééditer par la suite, ce qui fait qu'il est aujourd'hui très difficile de le trouver à un prix abordable. Or, comme par hasard, c'est celui-là que je voudrais (du fait de ma préférence pour la poésie classique). On le trouve sur priceminister à 30 euros tout compris...premières tergiversations de l'année 2014...l'acheter ou pas, revoter à gauche ou ne plus voter, planter des bambous ou plus...

    Loïc LT

  • CR255 : l'éducation sentimentale - Gustave Flaubert

    roman, littérature, littérature française, livre, gustave flaubertL'action débute en 1840, c'est à dire en pleine monarchie dite de juillet. Louis-Philippe n'est pas le roi de France, il est le roi des français. Ce n'est pas pareil, 'roi de France' faisant trop monarchie d'avant 1789. La monarchie de juillet qui dispose d'une constitution est parlementaire. Voici à peu le contexte dans lequel notre héros, Frédéric Moreau, un jeune gentilhomme de province (de Nogent pour être précis, tout dans ce nom transpire la bonne vieille province bouseuse et inculte) monte à Paris pour y étudier le droit. Il a beaucoup d'ambition (littéraire et politique) et sa mère croit beaucoup en lui. Dans un bateau le menant à Paris, il fait la rencontre de Mr et Mme Arnoux, deux parisiens de la grande bourgeoisie. Il a le coup de foudre pour madame et arrivé à Paris,il n'a plus qu'une ambition : la retrouver et lui dire son amour. Il la retrouvera sans trop de mal et arrivera à faire partie des amis proches du couple Arnoux (Mr tient un journal consacré à l'art et fait dans le commerce de tableaux) et il passera toutes ces années à tenter d'attirer le regard de l'inaccessible Marie Arnoux. Cette dernière pleine de préjugés moraux est une mère au foyer modèle et va mettre du temps à se rendre compte que Frédéric l'aime..et qu'elle aussi. Pendant toutes ces années, la France subit des remous politiques dont Frédéric est plus spectateur qu'acteur. Il refait beaucoup le monde avec ses amis de sensibilités républicaines ou socialistes et en attendant de se faire aimer de Marie Arnoux, il devient l'amant de deux bourgeoises et va même jusqu'à faire un bébé avec l'une d'entre elles. Professionnellement, il n'avance pas et sa mère s'impatiente. L'héritage d'un oncle de Nogent lui permet de vivre sans rien faire. Il dilapide son argent en bourse ou en le prêtant à des gens qui ne le remboursent jamais. Vers la fin du roman, Marie avoue enfin à Frédéric qu'elle l'aime mais c'est trop tard, il eut fallu que tout cela se passe plus tôt. A la fin, l'empire est proclamé, Frédéric a tout raté. Il n'a aucune situation et son amour unique est définitivement perdu.

    Voilà à peu près l'histoire. Le roman m'a globalement ennuyé mais c'est normal puisqu'il est parait-il souvent considéré comme un roman où il ne se passe rien. Il se présente comme une succession de scènes avec Fred  en premier plan et moult personnages secondaires au second plan. L'éducation sentimentale du 'héros' est un échec même si quelque part, on peut trouver éminemment romantique le fait qu'il ait laissé de côté toutes ses ambitions pour l'amour d'une seule femme qu'il savait dès le départ inaccessible

    L'éducation sentimentale faisait partie des grands classiques que je n'avais pas lus. C'est chose faîte, l'année se termine bien. Le vent souffle sur la Bretagne, le chômage baisse et le fc Lorient finit plutôt bien l'année !

     

    lecture : décembre 2013

    le livre de poche, 626 pages

    note : 3/5

     

    Le roman a fait l'objet de deux adaptations cinématographiques dont la plus récente (1973) fut réalisée par Marcel Cravenne. Jean-Pierre Léaud est Frédéric Moreau et l'exquise Françoise Fabian joue Mme Arnoux. Assez pertinent comme casting. Mais il faut aimer Léaud (qui a une façon si personnelle de jouer qu'on le voit mal se mettre totalement dans la peau d'un personnage de roman).

     

     

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  • CR254 : du côté de chez Swann - Marcel Proust

    Marcel Proust, littérature, littérature française, du côté de chez swannPlutôt que de faire un compte rendu de cette oeuvre (que j'avais lue il y a 20 ans), j'ai décidé de faire comme si je devais la résumer à mes filles. 

    Du côté de chez Swann expliqué à mes filles.

    Le roman se passe au début du XXème siècle en France. C’est l’histoire d’un garçon adulte qui s’appelle Marcel et qui essaie de se rappeler des souvenirs de son enfance dans le petit village de Combray en Normandie mais il n’en garde pas beaucoup à part le fait qu’il avait du mal à s’endormir surtout lorsque sa maman ne venait pas lui faire un bisou et cela arrivait surtout lorsque la famille recevait le visite d’un dénommé Charles Swann, un monsieur très élégant, cultivé et qui connaissait beaucoup de gens importants à Paris ; du coup Marcel n’aimait pas beaucoup quand Swann venait. Un jour pourtant, le simple fait de manger une madeleine avec un thé lui procure une joie intense et fait remonter du fond de sa mémoire tous ces souvenirs jusque-là inaccessibles. Le narrateur peut commencer sa recherche du temps perdu. 

    Marcel et ses parents vivaient à Paris en hiver et chez une tante à Combray en été. Ils sont plutôt riches et n’ont pas vraiment besoin de travailler pour vivre. A Combray, il y a une église avec un joli clocher et puis plein de gens dont Charles Swann qui y possède une maison (mais il en a aussi une à Paris). Swann est marié avec une jolie poupée qui s’appelle Odette de Crécy et toute une partie est consacrée à la façon dont ces deux-là (un amour de Swann) sont tombés amoureux (et ça se passe bien avant que Marcel ne soit né). Après avoir conquis Odette, Swann devient très jaloux, à en devenir fou si bien qu’Odette en a marre de lui mais finalement il s’en fout car il trouve qu’elle n’est pas son genre. Mais ils se marieront quand même et ils auront un enfant qui s’appellera Gilberte.

    On va faire la connaissance de Gilberte dans la 3ème partie du roman (noms de pays : le nom) , partie dans laquelle Marcel nous informe d’abord que faute de pouvoir voyager (parce qu’il a une santé fragile), il essaie d’imaginer à quoi ressemblent les villes et les autres pays à la simple prononciation de leur nom. Ensuite, nous sommes à Paris en hiver. Un peu par hasard, Marcel et Gilberte deviennent amis en jouant dans un parc près des Champs-Elysées. Quel âge a Marcel, je ne sais pas trop, dans les 12 ans peut-être. Mais lui, c’est plus que de l’amitié qu’il éprouve pour Gilberte, c’est de l’amour ! Il aime Gilberte alors qu’elle, elle considère Marcel avant tout comme un bon ami. Et puis, Marcel devient un peu marteau et devient amoureux de tout l’univers de Gilberte et notamment de ses parents, comme Swann par exemple qu’il détestait tant avant parce que ses visites l’empêchaient d’avoir un bisou de sa maman.

    Voilà un peu près l’histoire. Il ne se passe pas grand-chose dans le roman. Pour Marcel Proust, les sensations comptent plus que les faits et il aime bien décrire les gens physiquement un peu mais surtout psychologiquement, c’est-à-dire qu’il essaie de comprendre pourquoi les gens agissent d’une façon plutôt qu’une autre. Et il le fait très bien, aucun écrivain n’a réussi à le faire aussi bien que lui. Mais il faut s’accrocher car souvent les phrases sont très longues et on s’y perd un peu !

    Loïc LT

    kindle/lecture :octobre 2013, 5/5